Les dépenses cloud s’envolent, tirées par les projets data et les besoins d’agilité. Mais dans la course à la scalabilité, trop d’organisations perdent de vue l’essentiel : la maîtrise. En l’absence de pilotage, les coûts explosent sans toujours créer de valeur.
Optimiser, ce n’est pas couper à l’aveugle. C’est identifier les bons leviers techniques pour réduire l’empreinte financière, sans freiner les projets ni brider l’innovation. Par où commencer ?
FinOps, ou comment piloter la valeur avant les coûts
Le FinOps n’est ni un outil ni une plateforme. C’est une pratique continue de gouvernance, visant à aligner la consommation cloud sur la valeur business attendue. Cela suppose de briser les silos entre DSI, finance et équipes métier, afin de rendre lisibles les usages réels, arbitrer les choix techniques en fonction des retours sur investissement, et construire une culture commune autour de la responsabilité des coûts.
Trois leviers principaux permettent d’agir : la mutualisation intelligente des ressources, la gestion du cycle de vie des données, et l’optimisation des traitements (compute).
Allouer intelligemment les ressources : le vrai levier d’efficacité
L’un des premiers chantiers d’optimisation consiste à mieux ajuster les ressources à la réalité des usages. Car si le cloud facilite le déploiement, il facilite aussi… le gaspillage. Environnements de test laissés actifs le week-end, machines tournant hors horaires d’usage, workloads surdimensionnés par précaution : sans gouvernance stricte, les surcoûts s’accumulent rapidement.
L’élasticité native du cloud peut pourtant devenir un atout, à condition d’être maîtrisée. Le recours à des services managés, microservices ou architectures serverless permet un paiement à l’usage et une infrastructure capable d’absorber les pics de charge sans surdimensionnement permanent. Mais attention, cette flexibilité a un coût d’entrée : refonte technique, montée en compétence, complexité opérationnelle… autant de facteurs à intégrer dans l’équation. Des contraintes particulièrement marquées pour les applications existantes, qui nécessitent souvent un refacto, là où les nouvelles applications cloud native peuvent dès le départ être pensées pour tirer parti de ces services. Dans certains cas – comme les applications stables et prévisibles – des engagements long terme sur des VM restent plus pertinents.
L’enjeu n’est donc pas de limiter l’usage du cloud, mais de faire les bons choix d’allocation, au bon moment. Une ingénierie fine permet ici d’optimiser le TCO global sans brider les projets.
Stocker moins, mais stocker mieux
La gestion du stockage cloud est souvent négligée, alors qu’elle peut représenter des coûts considérables sur les projets data d’envergure. Optimiser, ce n’est pas supprimer arbitrairement : c’est hiérarchiser intelligemment. En catégorisant les données selon leur fréquence d’accès (hot, cold, archive), et en définissant des règles d’expiration et d’archivage adaptées, on évite de conserver indéfiniment des volumes coûteux.
Un nettoyage régulier, couplé à un cycle de vie automatisé, permet d’éliminer les coûts superflus sans impacter la qualité ou l’exploitabilité des données. Là encore, le FinOps ne cherche pas l’économie pour l’économie, mais la juste allocation des ressources.
Analyser, oui… mais sans exploser la facture
Dans les plateformes analytiques modernes, la tarification varie selon le fournisseur. BigQuery facture au volume scanné. Snowflake, lui, facture au temps d’exécution des entrepôts de données (warehouses). Dans les deux cas, les bonnes pratiques peuvent faire une énorme différence.
Côté Snowflake, l’optimisation passe par un sizing intelligent des entrepôts selon les requêtes, un usage malin de l’auto-suspend, et un bon équilibre entre scaling et queuing. Le stockage nécessite aussi d’ajuster les paramètres de clustering, de time travel, et de tirer parti du cache.
Enfin pour BigQuery, des techniques comme le partitionnement par date ou par usage permettent de réduire fortement les volumes scannés, parfois jusqu’à 70 %. Une architecture bien pensée, même côté analytique, a donc un impact direct sur la facture.
La maturité FinOps se joue aussi sur la gouvernance
Le pilotage des coûts ne se limite pas à des arbitrages techniques. La vraie différence se joue dans la gouvernance. Mettre en place des dashboards de consommation, des alertes budgétaires proactives, des mécanismes de showback ou de chargeback auprès des équipes : tout cela contribue à créer un cadre responsabilisant et transparent.
Les tags appliqués aux ressources permettent d’attribuer les coûts à l’échelle fine – par équipe, projet ou environnement – et de bâtir une gestion prévisionnelle fiable. Ce n’est qu’en croisant data, finance et technologie qu’on parvient à créer un FinOps réellement opérationnel.
Adopter une démarche FinOps, c’est passer d’une gestion réactive à une gouvernance proactive du cloud. Cette culture commune entre IT, finance et métiers permet non seulement de mieux piloter les coûts, mais surtout de créer un terrain propice à l’innovation maîtrisée.
Le FinOps ne cherche pas à diviser les dépenses, mais à identifier où investir pour créer le maximum de valeur. C’est cette capacité à transformer chaque euro dépensé en levier de performance qui distingue les organisations matures.
Thomas Ballester
Consultant Senior Cloud4Data
Micropole, a Talan company