Le rôle des directions financières ne se limitent plus à produire des états comptables, mais elles doivent analyser, interpréter, éclairer les décisions stratégiques et accompagner les métiers dans leur pilotage opérationnel. Dans cette mission, le contrôle de gestion occupe une place centrale : construction des budgets, suivi des écarts, reporting, modélisation des scénarios… autant d’activités qui mobilisent d’importants volumes d’informations et conditionnent la qualité du pilotage global.
C’est précisément sur ce terrain que l’intelligence artificielle (IA) s’impose progressivement comme un allier incontournable.
Du scepticisme aux premiers cas d’usage concrets
Il y a encore 2 ans, l’IA restait une notion lointaine pour la majorité des contrôleurs de gestion. Moins de 10 % d’entre eux la plaçaient en tête de leurs préoccupations (PwC, 2023). Mais déjà, la moitié envisageait qu’elle devienne centrale dans un horizon de trois ans. Entre-temps, beaucoup d’expérimentations ont vu le jour : Proof of Concept (POC), recrutement de data scientists, exploration de modèles prédictifs basés sur le machine learning ou le deep learning.
Ces expérimentations ont produit des résultats contrastés, mais elles ont permis de franchir une étape essentielle : l’acculturation. Les directions financières maîtrisent désormais mieux les concepts d’IA, du machine learning aux modèles génératifs, et ont compris l’enjeu crucial de la qualité des données pour produire des résultats probants. Ils sont désormais en quête de cas d’usage réellement industrialisables et à retours sur investissement rapides.
Vers une offre intégrée et pérenne
Comme cela a été observé lors de la mise en place du reporting extra-financier règlementaire, le marché a d’abord vu apparaître une multitude de solutions spécialisées, chacune répondant à un besoin précis. Rapidement, la complexité et le coût de cette dispersion ont incité les entreprises à se tourner vers des solutions intégrées.
Les éditeurs de logiciels de planification ont saisi cette tendance : ils enrichissent désormais leurs plateformes de fonctionnalités d’IA, capables de s’interfacer directement avec les environnements existants. L’enjeu n’est donc plus de tester des outils isolés, mais d’identifier les briques pertinentes et faciles à déployer de sa plateforme de pilotage qui amélioreront réellement la performance des directions financières.
Les axes majeurs d’application de l’IA en EPM
Les usages de l’IA en matière de pilotage de la performance financière s’organisent aujourd’hui autour de trois grandes dynamiques.
L’analytique augmentée constitue la première. Elle vise à automatiser les tâches répétitives et chronophages : génération de reportings, analyses d’écart entre prévisions et réalisé, détection d’anomalies… Ces applications, permises par l’IA, permettent de libérer du temps pour des analyses à plus forte valeur ajoutée. Progressivement, des fonctionnalités plus avancées émergent, comme les ” prompts intelligents “, permettant prochainement d’interroger les bases de données financières via un agent conversationnel, à la manière d’un ChatGPT spécialisé.
La prévision augmentée représente la deuxième dynamique. Il s’agit de projeter l’activité future en s’appuyant sur l’historique, enrichi par des données internes ou externes. L’IA renforce cette capacité avec des modèles de sales forecasting, des scénarios “what if ” automatisés ou encore la détection précoce d’anomalies. Si ces modèles servent aujourd’hui essentiellement de points de comparaison avec les prévisions humaines, ils devraient à terme accélérer la construction budgétaire, réduisant un processus parfois long de plusieurs mois.
Enfin, la modélisation intelligente ouvre une voie encore émergente. Elle permet de simuler différents modèles économiques ou organisationnels et d’anticiper leurs effets sur l’activité avec comme promesse de valeur un besoin limité de compétences techniques. A court terme, les bénéfices envisagés sont une maitrise des couts de développement et de maintenance, la mise en place de modèles plus résilients et robustes intégrant un contrôle qualité plus efficace.
Mais surtout elle ouvre la voie à un pilotage plus agile, capable d’anticiper les impacts de décisions stratégiques sur l’ensemble de l’entreprise et effaçant le nombre d’intermédiaires.
Vers un rôle renouvelé du contrôleur de gestion
Si l’IA suscite autant d’intérêt, c’est parce qu’elle touche au cœur même de la mission du contrôle de gestion : transformer des données en leviers de performance. Mais loin de remplacer l’humain, elle vient renforcer son rôle.
Face à un modèle prédictif, le contrôleur de gestion doit être capable d’en comprendre les mécanismes, d’en évaluer la pertinence et de challenger les résultats. Sa valeur réside dans sa capacité à croiser la puissance des algorithmes avec la connaissance fine du contexte de l’entreprise.
Une révolution progressive mais inéluctable
L’IA appliquée au pilotage de la performance ne constitue pas une rupture brutale. Son adoption sera graduelle, au rythme de la maturité des organisations et de la consolidation de l’offre technologique. Mais la direction est tracée : demain, les directions financières disposeront d’outils capables de fiabiliser la donnée, d’automatiser une part importante des processus et d’apporter une profondeur nouvelle aux scénarios de pilotage.
Une chose est certaine : les directions financières qui sauront s’emparer de ces technologies pour renforcer leur rôle de pilotage gagneront un avantage compétitif décisif.

Yoni Cadosch
Directeur - Finance Transformation & Performance
Micropole, a Talan company
				
								

