Souvent méconnu, parfois réduit à une mission de conformité, le rôle de Chief Data Officer (CDO) souffre encore d’une perception floue. Pourtant, il s’impose aujourd’hui comme un acteur clé de la transformation des entreprises. À l’heure où la donnée est un levier de performance et d’innovation, le CDO est celui qui en garantit la fiabilité, la qualité et la gouvernance. Bien au-delà du cadre réglementaire, il crée les conditions d’un usage efficace, durable et orienté valeur. À condition d’être bien compris, bien positionné… et pleinement légitimé. Anatomie d’un rôle incompris.
Le rôle du CDO : une fonction encore mal comprise, mais essentielle
Le Chief Data Officer n’est pas toujours associé à la direction de la data au sens analytique du terme. Cette confusion, notamment avec le Chief Data & Analytics Officer (CDAO), contribue à entretenir une vision erronée de son périmètre. Dans les faits, il est souvent perçu comme un garant de la conformité, un gestionnaire de référentiels ou un expert de processus abstraits. Une posture qui, bien qu’indispensable, masque la dimension stratégique de son action.
Car le CDO n’est pas un technicien de la donnée, mais un architecte de la valeur par la donnée. Il construit les fondations : une donnée propre, fiable, traçable. Ce socle permet ensuite aux métiers de déployer des cas d’usage robustes et à forte valeur ajoutée. Or, ce travail de fond est souvent invisible. Il s’inscrit dans le temps long, et sa réussite passe parfois inaperçue… jusqu’au jour où la donnée devient un frein plutôt qu’un levier.
Pour faire évoluer cette perception, le CDO doit sortir du rôle d’expert silencieux. Il doit se positionner comme un acteur transversal, capable de dialoguer avec les directions métiers, la DSI, les juristes ou encore les équipes marketing. C’est à cette condition qu’il pourra asseoir sa légitimité.
Faire de la stratégie data un levier business priorisé
La mission du CDO ne peut être efficace que si elle est clairement articulée aux priorités business de l’entreprise. Croissance, rentabilité, excellence opérationnelle, amélioration de l’expérience client : la donnée est un facteur d’optimisation à tous les niveaux. Mais encore faut-il le démontrer et le faire comprendre au comité de direction.
Cela doit passer par des chantiers très concrets avec un lien direct avec un indicateur business : fiabilisation des référentiels clients, documentation des flux sensibles, amélioration de la qualité des données marketing ou transactionnelles. Des actions qui permettent d’éviter les doublons, les erreurs d’adresse, les biais de segmentation… et donc d’augmenter le ROI des opérations.
Le rôle du CDO consiste aussi à savoir arbitrer. Il est impossible de tout traiter à la fois : il faut prioriser en fonction de l’impact attendu. Cette capacité à cibler les efforts et à les aligner sur la stratégie d’entreprise est la clé d’un pilotage data efficient.
Dans cette perspective, le CDO devient un chef d’orchestre. Il fait collaborer des acteurs aux enjeux parfois divergents, met en cohérence les processus et installe une logique durable de gouvernance orientée valeur. La finalité n’est pas uniquement de “ranger la donnée”, mais de la rendre activable, au bon endroit, au bon moment, pour répondre à un besoin métier clair.
Créer de la valeur dans un cadre réglementaire : un pilotage exigeant
Le CDO doit constamment naviguer entre deux exigences : maximiser la valeur de la donnée, tout en respectant un cadre réglementaire de plus en plus strict. Il est à la fois porteur d’opportunités et garant de la conformité. Ce double rôle, souvent perçu comme antagoniste, est en réalité complémentaire.
Piloter la donnée comme un actif implique de disposer d’indicateurs clairs. Le CDO doit pouvoir démontrer, avec des dashboards accessibles, l’impact réel de ses actions : baisse des retours colis, amélioration de la connaissance client, réduction des coûts liés à la mauvaise qualité des données… Chaque action doit s’inscrire dans une logique de business case, avec des résultats tangibles.
Dans le même temps, il est responsable de la conformité : traçabilité, gestion des droits, auditabilité, respect du RGPD et des exigences sectorielles. Une gouvernance bien pensée ne freine pas la création de valeur — elle la rend possible, car elle en garantit la pérennité.
C’est en conciliant ces deux dimensions que le CDO peut incarner une fonction pleinement stratégique. En structurant une gouvernance solide, en pilotant par la valeur, et en parlant le langage du business, il devient un levier incontournable de transformation durable.
Pascal Anthoine
Directeur - Data Governance & Data Management
Micropole, a Talan company